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Yann-Vari Perrot (1877-1943)
Ann aotrou person … (monsieur le recteur…)
Illustration tirée du blog Ar Gedour
- Droits réservés
C’est au hasard d’une lecture ancienne dont je n’ai retenu ni le titre ni l’origine que j’ai pris connaissance d’un possible lien entre Plougonvelin et l’abbé Perrot.
L’abbé Perrot ? Je connaissais. Neveu d’un résistant de la première heure, revenu du Struthof et de Dachau, les « breiz atao » n’étaient pas les bienvenus à la maison. Plus tard, lorsque mon intérêt pour l’histoire de mon pays s’est développé, j’ai lu des histoires de Bretagne, j’ai lu aussi les ouvrages de Ronan Caerléon, j’ai pris connaissance de l’existence de l’abbé Perrot ... connaissance parcellaire au départ et qui s’est précisée.
Adhérent de l’association PHASE depuis quelques années, évoquant la possible ouverture sur ce site d’une rubrique « panthéon plougonvelinois » ou « mémoires plougonvelinoises » et répondant aux questions de mes collègues, j’évoquais, entre autres, la possibilité d’une fiche biographique sur l’abbé Perrot et m’entendis dire : « Ah non, certainement pas, on va pas faire l’apologie des Nazis ! » (je résume !).
Plus proche de nous, lorsque nous préparions en groupe la sortie de notre ouvrage « Plougonvelin 1939-1945 : la vie d’une commune sous l’occupation », à l’occasion de la « Littorale 2014 », une personne me dit : « Ma mère a été en 1943 à l’enterrement de l’abbé Perrot ». Nous connaissons les difficultés de circulation à l’époque ce qui rend le déplacement pour le moins « intéressant ». « Le témoignage m’intéresse, je vais le citer dans l’ouvrage » dis-je à mon interlocuteur. « Ah, non certainement pas, je ne veux pas que notre nom de famille soit mêlé à tout çà ! ».
Soixante-dix ans après quand même !
A l’occasion de l’un des spectacles musique et histoire, que je donne depuis quelques temps avec Maxime Piolot, une paroisse où a séjourné le fameux abbé, veut bien nous prêter une chapelle, mais à la condition que je n’évoque pas l’abbé en question.
Chose qui ne m’a pas été interdite, lorsque nous avons présenté un spectacle du même genre dans la chapelle Saint-Sébastien en Locmaria-Plouzané. A l’issue de la prestation une vieille dame s’est avancée vers moi, m’a tiré la manche, discrètement, et à l’écart, des larmes perlant aux coins de ses yeux : « Monsieur, c’est la première fois que j’entends parler de mon oncle comme cela » … et pourtant je n’avais fait qu’évoquer son parcours, qu’évoquer des faits, sans prendre quelque parti que ce soit … dois-je préciser, que je ne suis, par contre, pas du tout partisan du « politiquement correct »… et qu’en conséquence ma curiosité était allumée.
Beaucoup d’écrits sont proposés sur ce personnage, j’ai rencontré aussi des témoins, directs et indirects. Je me suis donc forgé une opinion mais celle-ci n’est pas l’objet de la présente fiche dénuée de toute orientation factieuse ou politique, à chacun de se faire son opinion, si la présente biographie peut y aider, tant mieux.
Jean-Marie Perrot naît le 3 septembre 1877 à Plouarzel, à la ferme de Keramazé, dans sa famille maternelle, les Lescop. Son père, Jean-Marie, comme lui, naît lui en 1838 à la ferme de Kervennoc (1) en Plougonvelin.
Kervennoc en Plougonvelin … le puits et le ty-fourn tels qu’a pu les connaître Jean-Marie Perrot … en arrière plan, la baie de Bertheaume et les côtes de Cornouailles | |
La ferme de Kervennoc dans les années 1960 |
On compte 5 générations, peut-être 6, de Perrot à Kervennoc, dans une famille bien présente dans la vie communale puisque François Marie, l’arrière grand-père de l’abbé, est maire de Plougonvelin de 1807 à 1818.
La mère du futur abbé, Marie-Louise Lescop, décède en mai 1878. Jean-Marie, dernier né de la fratrie est âgé de 8 mois. Il est recueilli par le couple Yvon Croguennoc et Ivona Gouzien. Ivona est la jeune sœur de Marie Marguerite Gouzien épouse de Guillaume Lescop, les grands parents de Jean-Marie, notre personnage.
Ce couple s’installe peu après à la ferme de Brendégué en Locmaria-Plouzané, à la limite territoriale avec Plougonvelin.
La ferme de Brendégué, en Locmaria-Plouzané, il n’est pas sûr que Jean-Marie Perrot ait connu la ferme neuve, à droite, … | |
… mais l’ancien manoir ferme, au fond vers la gauche (photo précédente) dont les ruines sont visibles ici. |
Il grandit dans un milieu où l’on ne parle pas le français. Un oncle prêtre finance ses études. Il est envoyé au collège. Il semble y avoir été confronté aux contraintes liées au français comme langue, choqué par l’usage du « symbole », c’est à ce moment qu’il prend en charge sa « bretonnitude ». Se précise aussi au cours de ses études une vocation qui le marque à jamais … Feiz ha Breiz : Foi et Bretagne. Il entre au séminaire de Pont-Croix et en 1903 il dit sa première messe à Locmaria, à l’occasion du pardon. Son premier poste le voit à Saint Vougay comme vicaire en 1904. Il a déjà écrit plusieurs cantiques dont le premier « Beleg da Viken » est chanté à Locmaria.
Illustration tirée du blog Ar Gedour - Droits réservés |
En 1905, il créé le Bleun Brug (fleur de bruyère), une association catholique de défense et de promotion de la langue bretonne qui perdure jusqu’à nos jours.
En 1906, il lance, dans la lignée d’Hersart de la Villemarqué, le collecteur du Barzaz Breiz en 1839, un concours de vaste ampleur, nommé « Barzaz Bro Leon ». En quelques mois il parvient à rassembler la plus importante collecte de chansons jamais réunies en Léon pour laquelle une étude est menée en 2008 par Eva Guillorel dans un mémoire de master2 sous la direction de Jean-François Simon, bien connu de Plouzanéens, ancien enseignant à l’UBO, ancien directeur du CRBC. Eva persiste d’ailleurs en faisant éditer, il y a deux ans (2013) un ouvrage remarquable sur ce « barzaz » local. (2)
Le « Barzaz-Bro-Leon » paru aux P.U.R./C.R.B.C. en 2013 |
En 1910, il se rapproche de l’Emsav, mouvement qui cherche à regrouper et fédérer tous les courants bretons, culturels, économiques, politiques, de droite comme de gauche …
En 1911, il dirige la revue Feiz ha Breiz créée en 1899, dont le titre en forme de slogan lui va si bien.
lettres adressées à Louis Le Guennec, historien connu, le 21.7 et le 15.8.1913, de Saint Vougay, on reconnaît en guirlande autour de l’église la « bleun brug », la fleur de bruyère et … (AD29 – 55 J 117 – fonds Le Guennec) | |
… à l’intérieur du double feuillet, la chanson « Gwir Vretonned » : « vrais Bretons » |
Il correspond avec l’ensemble des érudits bretons de l’époque dont Louis le Guennec, historien bien connu, avec lequel il fait paraître dans la revue « Feiz ha Breiz », avril 1931, un article « Kastell Perzel ». Louis le Guennec en est le rédacteur, l’abbé Perrot en est le traducteur. Pour ce dernier c’était un retour aux racines familiales puisque « Kastell Perzel » est le nom breton du fort de Bertheaume en Plougonvelin.
En 1914, il vient d’être nommé à Saint-Thégonnec, lorsqu’il est mobilisé. Il demande à partir pour le front au titre de brancardier, fonction dans laquelle son intrépidité le distingue particulièrement. Il reçoit d’ailleurs la croix de guerre pour ses actes.
En 1920, il est vicaire à Plouguerneau où il reprend de plus belle, ses activités inlassables. Il fonde en particulier « …une troupe de théâtre bretonnante « Paotred Dom Mikael » qui devait « … présenter de remarquables spectacles à travers la Bretagne … », écrit René Abjean, enseignant, musicien, chef de chœur bien connu dans la région brestoise et bien sûr à Plouguerneau, dont le père mais aussi la mère participaient à l’activité de cette troupe. « L’abbé était en avance sur son temps » précise René « alors que d’autres paroisses donnaient les rôles féminins à des garçons grimés, ici les filles jouaient leurs rôles ». Ce qui n’avait pas toujours l’heur de plaire à la hiérarchie, tout comme son engagement politique. L’abbé Perrot, reviendra d’ailleurs à Plouguerneau en 1934 pour marier Pierre Abjean et Françoise Guillarmou.
« Le rayonnement de l’abbé Perrot attirait à Plouguerneau de nombreux intellectuels, bretons, mais aussi gallois, irlandais, tous fervents défenseurs des cultures celtiques », écrit encore René, en précisant « Il était très aimé des jeunes de la commune et d’ailleurs ».
Yves Floc’h qui lui doit sa carrière de peintre de talent, lui présente un copain qui entre dans la bande : Célestin Laîné de Ploudalmezeau qui inscrira lui aussi son nom dans l’histoire douloureuse de cette époque, avec les responsabilités qui sont les siennes. |
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Balade à Trégastel (le Père Eternel) de la troupe de l'abbé Perrot (1932).
L'abbé Perrot est le dernier à gauche, à côté de Laisné qui joue de la cornemuse.
Assis au milieu il y a Yves Floc'h, et derrière, la seule femme présente est Françoise Guillarmou (mère de René Abjean) |
Enfin, en 1930, il se voit confier la paroisse de Scrignac. On aurait pu écrire à cette occasion, un livre dans le style Dom Camillo, « Mon curé chez les rouges ». Depuis fort longtemps, ces montagnes, parfois difficiles d’accès, ont été un foyer de contestations. L’histoire toute récente l’a confirmé (les Bonnets Rouges). Nous pouvons voir aussi dans cette désignation un geste quelque peu retors de la part d’une hiérarchie qui désapprouve son engagement politique au-delà du seul plan culturel. Mais il relève le gant. Il reste 13 ans, là où ses prédécesseurs tiennent 2, 3 ans. Son ministère n’est pas facile ? Il le glorifie en faisant reconstruire la chapelle de Koad-Keo, exemple significatif de la recherche d’une création architecturale bretonne - la culture bretonne toujours au fond de sa démarche -.
Due à l’architecte James Bouillé, initiateur en 1923, du mouvement artistique « Seiz Breur », la chapelle est classée monument historique en 1997 …
C’est alors, que de sombres nuages s’élèvent à l’horizon …
Et puis, … on sait … 1940 … la guerre, l’occupation… un temps qui exacerbe les passions !
Pendant la première guerre mondiale, les Irlandais poursuivent leur mouvement de révolte qui débouche sur leur indépendance quelques années plus tard, qui penserait à le leur reprocher aujourd’hui ?
Il est reproché à l’abbé Perrot des écrits antisémites, son rapprochement avec les Allemands, son rapprochement avec Vichy, son implication dans les mouvements politiques à orientation nationaliste. Il apparaît nécessaire de replacer l’ensemble de son action dans le contexte de l’époque, car seule une analyse circonstanciée permet de se faire sa propre idée contre toute idée toute faîte, contre toute idée « politiquement correcte » … sans oublier que, comme dit le dicton : si l’on veut abattre son chien on l’accuse de la rage. Je citerais simplement Fanch Gourvil, résistant connu, qui déclare en 1990 : « En réalité, l’abbé, la bonté même, était bien incapable de nuire, même à un ennemi politique. » et je reprendrais un écrit qui résume la situation : « prêtre catholique dans une paroisse réputée pour son anticléricalisme extrêmement violent, militant breton de longue date pendant une période troublée propre aux amalgames, et ayant toujours offert son soutien de principe à toutes les tendances bretonnes (extrémistes de droite, comme Lainé, ou militants de gauche, comme Soh), il a été en fin de compte victime de l’exacerbation des haines qui culminèrent, en Bretagne comme en France, en 1943-44. ».
Andrée Kervella (madame Theven) est née en 1930, à Brest (une des premières « clientes », comme elle dit, de la clinique de la Lande, rue Victor Hugo). Son père, Alexandre, commandant d’Infanterie Coloniale est tué lors de la bataille de France en 1940, ayant à ses côtés un copain, le médecin militaire Quéré. La famille habite dans la rue Bougainville à Brest mais quitte son domicile après le bombardement du Continental en mai 1941 [en fait, « dans la soirée du 4 avril, le réseau Élie place une bombe dans l’hôtel Continental ou un grand banquet est organisé en l’honneur des officiers du Scharnhorst et du Gneisenau. La bombe explose, incendiant l’hôtel Continental, situé place de la Tour d’Auvergne, qui illumine Brest comme en plein jour. Vers 22 heures, le 5e Bomber Group effectue un raid pour bombarder les deux cuirassés »].
Le père du docteur Quéré cité ci-dessus, de Scrignac, est mis à contribution pour rechercher un lieu de repli pour la famille Kervella. Le recteur de Scrignac leur offre l’hospitalité en son presbytère de deux étages, avec 4 chambres par étage. Andrée, sa mère et sa sœur ont deux pièces au 2ème étage, là où est logée Anne, la « karabasenn » (bonne du curé), une « Fouesnantaise, excellente cuisinière » selon Andrée qui a l’occasion de goûter à sa cuisine régulièrement, en particulier le gâteau du samedi.
L’abbé Perrot reçoit régulièrement à son presbytère des collègues des paroisses voisines. Pour lever toute ambigüité, il présente un jour Madame Kervella, sa sœur et ses deux filles en les invitant à manger avec les curés du voisinage.
L’abbé, à l’occasion, loge aussi des hôtes de passage comme Claudia Bricler, le fils d’un de ses amis quimpérois qui passe une partie des étés 1942 et 1943 dans la chambre en face de celle d’Andrée dont il a le même âge, les deux enfants partageant les mêmes jeux, en particulier les descentes vertigineuses sur la rampe d’escalier.
Début 1943, une chambre du 1er est réquisitionnée pour loger un colonel (un ou deux autres officiers seront également logés), tandis que le rez-de-chaussée est affecté à la troupe comme mess. Le colonel, très distingué et parlant un français très correct, est présenté par l’abbé à sa « co-locataire » Madame Kervella, la veuve de l’officier tué en 1940, place ostensiblement les mains dans le dos refusant celle tendue par le colonel.
Andrée se rappelle que les Allemands faisaient souvent la fête, ils chantaient bien, dit-elle, mais un soir qu’ils avaient particulièrement bu, ils ont mis le feu au plancher.
Andrée et sa sœur Odette « trouveront » un moyen pour les éloigner : elles sont atteintes, à leur corps défendant, de typhoïde en juin 1943 et les Allemands apposent un panneau avec une tête de mort sur la porte du presbytère. Andrée est particulièrement touchée, elle recevra l’extrême onction du recteur ; tombée malade à la saint Jean elle ne réintégrera l’école de Scrignac qu’à la Toussaint. La situation a prêté à plaisanterie dans le bourg où l’on disait que « les filles du curé » étaient bien malades.
Lorsque je lui dis que le recteur a été accusé de donner l’hospitalité aux Allemands, elle rit en me disant, il faudrait aussi accuser le directeur de l’école publique car les Allemands étaient installés dans l’école où ils avaient même installé des douches dans la cour, à la place du préau.
Ecole de Scrignac, quelques temps après la guerre
L’abbé Perrot était très gentil avec ses locataires et d’une façon générale c’était un homme affable et prévenant, très convivial. A l’occasion de sa communion solennelle, l’abbé Perrot, interroge Andrée : « Qu’est-ce que je vais bien pouvoir te donner pour ta communion ? » « Oh, rien monsieur le recteur, c’est très bien comme çà ! » « Non,non, je vais dire à Anne [ la karabasenn] de plumer une poule et de la faire rôtir comme çà vous aurez aussi quelque chose pour cette fête ».
Andrée précise : « Il se savait menacé. Il avait reçu, disait-on, un cercueil miniature, mais je ne l’ai su qu’après. Tous les jeudis, ma mère descendait à Morlaix pour voir ma sœur au collège. Il profitait de ce déplacement pour ne pas être seul en route. »
Elle évoque aussi le 12 décembre. Elle est dans sa chambre au 2ème étage. Un camion s’arrête devant la porte grenat rouge qui donne devant le jardin. Quatre soldats allemands descendent du camion, chacun portant en un coin, une couverture dans laquelle elle reconnaît l’abbé, tout ensanglanté. … « Je n’osais plus passer devant sa chambre, le pauvre, il a râlé jusqu’à 20 heures ».
Elle connaissait bien aussi l’enfant de chœur qui accompagnait l’abbé, Raymond Mescoff. Ils avaient été à pied, à la chapelle Saint-Corentin, à plus de 3 kms après Toul-ar-Groaz, à 12 kms du bourg, et en revenaient lorsqu’il a été tiré « comme un lapin ! »
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L’abbé Perrot, sur son lit de mort, tel que l’a vu Andrée |
Le lendemain, elle fait une visite mortuaire. Il est installé dans la petite salle-à-manger. Elle suit l’enterrement célébré par monseigneur Duparc et précise : « L’église était pleine à craquer, s’il y avait beaucoup de civils, il y avait aussi beaucoup d’Allemands ! » … et au moins, puis-je rajouter (voir plus haut) une personne de Plougonvelin !
Andrée est retournée à Scrignac sur la tombe de l’abbé Perrot déplorant l’état d’abandon dans lequel elle l’a trouvé, quelques temps après son mariage. Andrée, orpheline de guerre, épouse en 1954 Xavier Théven de Lesneven, résistant de la première heure puisqu’il a créé son propre maquis en 1942, mais ceci est une autre histoire …
Effectivement, le 12 décembre 1943, rentrant d’une messe qu’il vient de dire dans une chapelle de la paroisse, devant un public clairsemé de paroissiens, accompagné d’un jeune enfant de chœur de 11 ans, il est touché mortellement dans le dos, laissé agonisant sur le terrain. Si, très tôt, les factions locales communistes revendiquent l’action (affiches placardées lors des obsèques), l’auteur apparaît encore de nos jours incertain, un nom est avancé, mais l’action, contrairement à ce qui se passe au lendemain de la libération dans beaucoup d’autres cas, n’est pas revendiquée.
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La dépêche de Brest mardi 14 décembre 1943, en première page |
Son nom est utilisé encore de nos jours, par les uns, par les autres … mais ce qui porte le plus préjudice à la réputation de l’abbé, c’est qu’au lendemain de sa disparition, des autonomistes extrêmes donnent au Bezen Kadoudal, groupe à caractère militaire ayant fait allégeance à l’occupant, consacrant une collaboration active qui ne le concernait pas, le nom de Bezen Perrot. L’abbé était viscéralement opposé tant aux Nazis comme « néo-païens dont les doctrines sont à rejeter parce que destructrices de l’ordre chrétien » qu’aux communistes et autres « bolchéviques » contre lesquels il pratiquait un « … anticommunisme catholique, rigide et intransigeant. Au cœur du Léon, il ne lui en eût vraisemblablement rien coûté : à Scrignac, c’était suicidaire … » écrit Yvon Tranvouez.
Il est imprudent de classer sur des « on-dits », un personnage haut en couleur certes, au caractère fort comme un granit armoricain mais dont le sacerdoce et l’amour pour la Bretagne ne peuvent, eux, être contestés par personne.
Le souvenir de l’abbé Perrot est encore présent à Brendégué mais très estompé. Il est plus vivace avec Françoise Lars, née dans cette ferme. En effet, précise-t-elle, les liens familiaux étaient forts. L’abbé venait régulièrement à Brendégué et la famille lui rendait visite. Françoise se rappelle ainsi un de ses tous premiers voyages en car, c’était pour aller à Plouguerneau.
Plus tard elle était présente à son installation à Scrignac. La jeunesse de Brendégué l’appelait alors « tonton Jean-Marie », même si, généalogiquement il l’était à « la mode de Bretagne » (petit neveu d’Ivona Gouzien, l’arrière grand-mère de Françoise, qui l’a recueilli en 1878). Elle a été plusieurs fois sur la tombe de Koad Keo. Si elle-même n’a pas été à son enterrement, sa sœur Lucile avait fait le déplacement. Cette dernière est la maman de Lucien Louzaouen, le propriétaire de Brendégué.
Renvois :
(1). La ferme de Kervennoc est déclarée en tant que manoir de Kervennoc et Kerier en 1704 dans un aveu (reconnaissance de propriété) rendu à l’abbaye de Saint-Mathieu par messire Prigent Joseph Michel seigneur de Kervenni, autre manoir plougonvelinois (archives privées).
La révolution française étant passée par là, le cadastre de 1841 lui donne comme propriétaire un certain Taburet, de Saint Renan. Etienne Pierre Julien Taburet, natif en 1771 de Vitré, mais dont le père est sous-brigadier des fermes royales à Plouzané puis adjudicataire de la perception des impôts à Ploumoguer, devient dès 1796 percepteur des contributions directes à Saint Renan. Il épouse le 15 mai 1798 à Brest Marie Isabelle Fyot de Kerouanen, de Saint Renan, dont les attaches plougonvelinoises sont connues par ailleurs, descendante d’un procureur fiscal de l’abbaye de Saint-Mathieu … et dont le surnom la rattache à une autre ferme, Kerouanen, guère éloignée de Kervennoc. Les Perrot n’étaient donc qu’exploitants et non propriétaires des terres de Kervennoc.
(2) Le seul contributeur plougonvelinois est Pierre Gouriou. Il envoie une seule chanson, notée au crayon à papier sur deux pages arrachées d’un cahier d’écolier. A la fin de la pièce, il a écrit : « Si vous la mettez en l’emplacement de mon nom, mettez GK ». L’abbé Perrot a précisé à l’encre, en dessous : « Pierre Gouriou, 19 ans, Keryel, Plougonvelen ». Le document envoyé est : « Chanson ar mesvier » (La chanson de l’ivrogne). Une version de cette chanson est adressée de Ploumoguer.
Je ne saurais évoquer cet épisode sans écrire la dernière et 10ème strophe de cette chanson, ô combien édifiante :
Ma zeu an den denem lezel _ Hep mez da zisken ken izel _ Ma zeus mil boan er bed ma _ Mil zisplijadue var-unan _ Mizeriou kals leiz a c’hroc’hen _ N’eus netra koas nemet an ini melen |
Si un homme se laisse aller, _ Sans honte, à descendre aussi bas, _ S’il y a mille peines en ce monde, _ Mille et une afflictions, _ Un trop plein de misère pour beaucoup, _ Rien n’en est la cause, sinon l’eau-de-vie ! |
Le seul Pierre Gouriou que nous ayons trouvé dans les registres communaux, est Pierre, fils de Louis, de Keriel, et de Marie Jeanne Russaouen, de Vinigos, né en 1893 à Keriel en Plougonvelin. Il décède à 21 ans en 1915 à l’hôpital militaire Broussais à Nantes, « pour la France ». Le déclarant est Michel Gouriou, son frère, alors soldat au 135° R.I. à Angers. Ce dernier meurt à son tour pour la France, prisonnier de guerre à Munster, en Alsace en 1917 ... les deux garçons de la famille. Cette fiche qui nous permet de les rappeler au bon souvenir des Plougonvelinoises et Plougonvelinois, remplit ici aussi, son rôle. Deux des sœurs de Pierre Gouriou ont épousé en 1922, à Plougonvelin, l’une un Petton, l’autre un Soisson. Si les familles pouvaient nous apporter quelques précisions, nous en serions heureux.
Bibliographie
ABJEAN René – Le monde breton comme çà … - Emgleo Breiz – Brest – 2015
FREVILLE Henri – Archives secrètes de Bretagne 1940-1944 – Ed. Ouest France – Rennes – 2008
(édition revue et corrigée par Françoise Morvan, directeur de la collection « Le grandes
collectes » aux Editions Ouest-France)
GUIDET Thierry – Qui a tué Yann-Vari Perrot ? – Ed. Coop Breizh – Spézet - 1997
GUILLOREL Eva – Barzaz Bro-Leon – Une expérience inédite de collecte en Bretagne – PUR /CRBC – 2012
HAMON Kristian – Les nationalistes bretons sous l’occupation – Ed. An Here – Le Relecq-Kerhuon – 2001
KERBIQUET Vincent – De l’exemple à l’exil – Le rôle de l’Irlande dans le mouvement nationaliste breton – mémoire de maîtrise (sous la direction de Christian Bougeard) – U.B.O. - 1998
MONNIER Jean-Jacques – Résistance et conscience bretonne (1940-1945) L’hermine contre la croix gammée – Yoran embanner (éd.) – Fouesnant 2007 – (préface de Mona Ozouf … dont on se rappellera qu’elle est fille d’Anne Le Den originaire de Lannilis, institutrice, et de Yann Sohier, « Yann-ar-Ruz » de son nom de plume, instituteur, fondateur d’Al Falz (la Faucille), dont les obsèques à Plourivo en 1935 se déroulèrent en présence de l’abbé Perrot et de nombreux partisans d’une Bretagne libre)
MORVAN Françoise – Miliciens et maquisards – Ed. Ouest-France – Rennes – 2013
POISSON Henri – L’abbé Jean-Marie Perrot fondateur du Bleun-Brug (1877-1943) – Plihon éditeur – Rennes – 1955 (préface de François Falc’hun … de Bourg-Blanc, chanoine et universitaire, celtisant et linguiste)
La dépêche de Brest – journal local – du mardi 14 décembre 1943
Revue mensuelle « Feiz ha Breiz » - avril 1931
Remerciements à :
René ABJEAN, de Plouguerneau
André THEVEN, de Brest
Lucien LOUZAOUEN de Brendégué, Locmaria-Plouzané
Françoise JAOUEN née LARS, de Ploumoguer, ces deux derniers parents « à la mode de Bretagne » de l’abbé PERROT
Eflamm CAOUISSIN directeur de publication Ar Gedour pour son aimable autorisation
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