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Alexandre de Beauharnais

… Le mari de qui vous savez !

Alexandre François Marie, vicomte de Beauharnais est né à Fort-Royal en Martinique le 28 mai 1760, fils cadet de François, baron de Beauville, marquis de la Ferté-Beauharnais et d’Henriette Pyvart de Chastullé.
François est alors chef d’escadre, gouverneur de la Martinique où il entre en relation avec la famille Tascher.
La marraine d’Alexandre est Désirée Tascher de la Pagerie dame de Renaudin, déjà, ou au moins future maîtresse de son père et instigatrice de son futur mariage avec Joséphine.

Le jeune vicomte entre au collège du Plessis à Paris puis passe deux années à l’université de Heidelberg en Allemagne et à l’âge de 16 ans il obtient un brevet de sous-lieutenant au régiment de Sarre-Infanterie.

La situation familiale ne lui permet pas d’espérer, a priori, une carrière à la mesure de ses ambitions si bien que ses débuts militaires sont quelque peu dilettantes, ce qui ne l’empêche pas d’obtenir le grade de capitaine à 19 ans. Il est vrai qu’il est l’un des protégés du duc de la Rochefoucauld, colonel du même régiment.

Nous connaissons, par ailleurs, son parcours militaire et politique. C’est donc un court résumé que nous vous présentons ici.

En 1782, il est volontaire pour aller à la Martinique combattre les Anglais mais le traité de Versailles de janvier 1783 réduit une fois de plus ses ambitions. En 1784, il entre au régiment Royal-Champagne cavalerie où il est major en 1788.

En 1789, le bailliage de Blois l’envoie comme représentant la noblesse aux Etats-Généraux. Il est ensuite élu à l’Assemblée constituante y développant une certaine activité montrant un intérêt indéniable pour le bouleversement en cours. Ne pouvant être ré-éligible, il rejoint l’armée en 1791 comme adjudant-général avec rang de lieutenant-colonel puis en 1792 avec rang de colonel sous les ordres du général Luckner. Il est promu maréchal de camp en septembre 1792 et désigné chef d’état-major dans l’armée en formation à Strasbourg. En 1793, le 8 mars il est lieutenant-général commandant la division du Haut-Rhin et le 23 mai, il devient commandant en chef de l’armée du Rhin. Le 13 juin il refuse la fonction de ministre de la Guerre poste trop exposé pour le « ci-devant » qu’il est.
Il démissionne après la perte de Mayence face aux Prussiens et aux Autrichiens, le 23 juillet 1793. Cette perte lui ayant été attribuée, il est arrêté en janvier 1794 pour trahison et complicité de conspiration et guillotiné à Paris le 5 thermidor an II (23 juillet 1794).
Voici pour ce qui est de sa carrière politique et militaire mais revenons un peu en arrière.

Il est en Bretagne, dès 1776, avec son régiment dont un détachement s’embarque en 1780 pour la campagne américaine d’indépendance. Le vicomte est signalé en garnison au Conquet en 1776, comme résidant au Lion d’Or ou maison Fyot de Kerouanen, du nom d’un procureur de la juridiction de l’abbaye de Saint-Mathieu.

Le Lion d’Or

A défaut de victoires sur les champs de bataille ses conquêtes féminines n’ont pas tardées. Il évoque une certaine demoiselle de Blaine en 1777 et l’année suivante il écrit à sa marraine : « Qui aurait dit que j’eusse dû être si heureux au Conquet ?  ». Tiens donc, il ne l’a pas toujours dit et reviendra sur cet état d’esprit, mais pour lors tout va bien puisque le 4 septembre : « Oui, je ne vous le cacherai pas : votre chevalier a goûté le bonheur de ces cantons-ci. Il est aimé d’une femme charmante à laquelle sont adressés les vœux de la garnison de Brest et de ses environs. Son mari [eh, oui !] qui est reparti il y a trois jours, m’a dit qu’il avait ordre de passer trois semaines dehors. Je souhaite de tout mon cœur que rien ne l’oblige à rentrer plus tôt …  ». Si nous connaissons le nom de l’heureuse élue (elle a 29 ans, il a 18 ans), nous connaissons aussi le nom du malheureux en amour à une époque où, il faut bien l’avouer, les filles n’avaient pas, pour le mariage, le choix du cœur. Nous le verrons très bientôt pour le propre mariage du jeune Alexandre. Pour l’heure, le 20 septembre il est à une fête au Conquet où il a « …dansé trois contredanses… », ennuyeuses, car « …quand ont est amoureux et qu’on ne voit pas l’objet qu’on aime, les plaisirs les plus vifs deviennent insipides…  ».

Il tisse des relations amicales dans la région ce qui l’autorise à séjourner avec son amie dans un manoir près de Lannilis, il lie aussi des amitiés dans un autre manoir à Locmaria-Plouzané.

S’il quitte la région en 1779 pour congé il y revient rapidement et le 1er septembre il retrouve « … les bords délicieux du Conquet… ». Décidément !
_ Mais … mais il est alors question d’accueillir, à Brest, sa future épouse arrivée le 12 octobre en provenance de Martinique. De Paris où il se trouve à cette date il rejoint Brest le 27, bientôt rejoint par sa marraine et tante de la future.
En effet, la même année, le 13 décembre 1779, il épouse à Noisy-le-Grand, Marie Joséphe Rose, dite « Joséphine  » Tascher de la Pagerie, qui, épouse en secondes noces de Napoléon Bonaparte deviendra impératrice. Joséphine est donc une nièce de la marraine d’Alexandre, évoquée au début de ce texte, devenue, entre temps, la maîtresse de son père, François de Beauharnais, laquelle serait à l’origine de ce mariage plutôt flatteur pour les Tascher. La première fille destinée à Alexandre étant décédée prématurément, la dame de Renaudin écrit à son frère qui tergiverse : « Arrivez avec une de vos filles, avec deux ; tout ce que vous ferez nous sera agréable  ». Ce sera Rose, enfin Joséphine !
Nous notons d’ailleurs que le contrat de mariage est établi, côté Tascher, par ladite dame de Renaudin suivant procuration donnée par « messire Joseph-Gaspard de Tascher, chevalier, seigneur de la Pagerie, capitaine de dragons, habitant du Fort-Royal de la Martinique, actuellement en cette ville de Brest, paroisse de Saint-Louis … à Marie Euphémie Désirée Tascher de la Pagerie dame de Renaudin … » devant les notaires de la juridiction des Régaires de Léon à Saint-Gouesnou, le 30 octobre 1779, c’est dire que la famille n’a pas été pressée de quitter Brest.
Alexandre en a-t-il profité pour faire visiter la région à sa petite fiancée ? Ses amis de Locmaria ? Son hôte du Conquet ? Son nid d’aigle de Bertheaume ?

… Et c’est toujours à Brest que le nouveau marié rejoint son régiment le 1er août 1780 d’où il lui jure fidélité. Si sa correspondance le montre, à ce moment, attentionné, très vite des complications s’installent dans le ménage mais ceci est une autre histoire … qui ne nous regarde pas !

Notons seulement qu’Alexandre et Joséphine ont deux enfants : Eugène futur vice-roi d’Italie et Hortense, future reine de Hollande, mère de Napoléon III et d’un certain duc de Morny, fils de Charles de Flahaut, lui-même enfant naturel de Talleyrand-Périgord, l’évêque d’Autun.
Du côté d’Eugène de Beauharnais, c’est la fille aînée qui devient reine de Suède, dynastie des Bernadotte actuellement régnante, mais sa descendance se retrouve aussi dans la famille bretonne des Denis de Kerédern de Trobriand ayant eu une relation avec Louise Jeanne Nicolasse Denis de Keredern de Trobriand dont le frère Joseph Vincent Denis de Keredern de Trobriand est le grand père d’une certaine Béatrice de Trobriand épouse d’un certain anglais naturalisé, sir John Burnett-Stears, bien connu des Brestois et des Plougonvelinois en général, des habitants du Trez-Hir en particulier … ouf ! la boucle est bouclée !

Si, sous le charme de l’amour Le Conquet a « … les bords délicieux … », il écrit aussi, à un autre moment : « … Plaignez-moi ma tante car je suis dans le plus misérable endroit qu’il soit possible de voir. Représentez-vous un hameau habité de pauvres gens qui parlent une langue que nous n’entendons pas et qui ne peuvent donner pour logement que des trous qu’on paye fort cher … ».

Il est détaché, vers mars 1778, au fort de Bertheaume : « … à deux lieues d’ici, … est un vieux château apparemment assez intéressant à conserver puisqu’on va dans peu y envoyer un détachement de 100 hommes … Notre général avait indiqué la compagnie et le sort a voulu que ce fût positivement celle dans laquelle je suis. Figurez-vous, Madame, qu’on ne peut monter dans ce château qu’en se faisant hisser. C’est, je crois, par le moyen d’une corde et d’une poulie. On vous monte dans une espèce de cage [le bateau volant].

Vous jugerez combien ce séjour doit être agréable … ».

Le fort de Bertheaume
Le bateau volant

Bien que peu réaliste (positionnement des rochers),ce dessin donne une idée du passage de la terre ferme au fort de Bertheaume qu’Alexandre dut emprunté pour prendre garnison … son témoignage permet de chiffrer le nombre d’hommes qui séjournaient en ce lieu.

On a longtemps conservé dans le manoir de Locmaria un meuble qui, dit la légende familiale, appartenait à Alexandre de Beauharnais.
Celui-ci l’aurait « délaissé  », auprès de ses amis, à la fin de son séjour auquel il espérait peut-être une suite, donnant l’idée qu’à l’époque les nombreux militaires et autres administrateurs de passage n’hésitaient pas à rechercher un certain confort et convivialité dans leur logement. Ainsi a été entretenu le souvenir du passage de l’élégant vicomte dans notre région, ce meuble devenant, après 1794, une quasi relique.
Toutefois, le meuble, dans son état premier, étant trop imposant et encombrant a trouvé preneur dans un antiquaire anglais qui a été sensible à son histoire. Le meuble dut être démonté mais l’ensemble trop volumineux n’a pu être pris en un seul voyage par l’antiquaire … lequel ne s’est jamais plus présenté si bien qu’il reste encore, dans un coin, sous quelques toiles argentées d’araignées, quelques menus éléments disparates, souvenirs du séjour d’Alexandre de Beauharnais dans notre région.

Bibliographie  :

HANOTEAU J.

– Le ménage Beauharnais – Librairie Plon – Paris – 1935