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Henri Kéraudy

Il a donné son nom au centre culturel de Plougonvelin !

Tout là-bas, à la pointe de la Bretagne, faisant parfois front au vaste océan mais aussi parfois complice, il est une commune, une paroisse, très tôt mêlée à l’histoire, la grande comme la petite.

Sa population plus paysanne que maritime, hormis celle du petit port du Conquet affranchi avec la Révolution, laborieuse, s’est tenue à l’écart des grands bruits de ce monde se contentant d’observer, étonnée, le déferlement de la gentry brestoise sur sa plage de sable fin, à la fin du XIXè et début XXè… et pourtant … le 24 janvier 2003, la télévision française s’empare d’un fait très local, un autochtone fait don à la commune d’une somme digne du tirage d’un jeu national de chance : 610 000 euros.

Louis Caradec, maire de l’époque, raconte dans son ouvrage « Fortunes de maire » la façon énigmatique avec laquelle il est interrogé, au mois de mai 2002, par maître Belbéoch, le notaire du Conquet quant aux projets communaux en matière de culture et, abasourdi mais interrogatif s’entend exprimer le souhait de l’un de ses concitoyens.
Après moults questions … quel est le richissime sponsor qui … ? (quelques uns dans la commune auraient pu, … mais enfin …) .
Quelques mois plus tard, les conditions étant acceptées de part et d’autre, rendez-vous est pris avec le maire qui reçoit… Henri Keraudy .

A l’époque de la tractation, Henri Keraudy devant la mairie

Le maire tombe des nues. Tout le monde se connaît (enfin, se connaissait !) dans la commune. Comment ce fils de paysan, d’une discrétion absolue, d’une amabilité certaine (je me rappelle nos longues discussions au Trez-Hir, lorsqu’entre sieste et « quatre heures », après qu’il ait franchi les portes « des Mouettes », la maison de retraite, il entreprenait l’une de ses longues promenades pour maintenir au mieux ses capacités physiques) a-t-il pu amasser une telle somme ? Un jeu de hasard ? Non point !

Henri Keraudy est né le 20 juillet 1928 à Plougonvelin, dans la ferme de Toul-al-Lan : le trou de la lande, en un endroit bien secoué des vents, non loin de la chapelle Saint-Jean.

Le lieu-dit Toul-al-Lan où a grandi Henri Keraudy

Il est fils de Gabriel, natif de Plouzané en 1888 et de Jeannie RUELEN, plougonvelinoise de souche bien avant la révolution, née en 1899, agriculteurs à Toul-al-Lan, mariés à Plougonvelin en 1919. Ils ont 4 filles et 4 garçons.
Troisième garçon, Henri ne peut espérer s’établir à la ferme de ses parents et s’engage, aux lendemains de la guerre, dans l’armée. Il effectue entre autres deux séjours en Indochine avant d’être réformé. Il est ensuite embauché à E.D.F. (Electricité de France). A la retraite, il revient dans son pays natal, seul ! Il a dit son regret de ne pas avoir fondé une famille, concluant avec une certaine fatalité un peu triste, à son image, « … mais je suis resté célibataire !  » … précisant avec malice parfois « Une femme çà coûte cher ».
Selon l’éducation reçue, Henri n’est pas grand dépensier. « Il dit lui-même qu’il n’avait pas de gros besoins, qu’il était économe et qu’il gagnait assez bien sa vie  » confie-t-il au maire. Pas de femme, pas de voiture non plus ! Ainsi au fil des années, les non-dépenses et quelques placements sûrs ont fait monter la cagnotte sans ambition particulière.
Henri, malgré ses voyages, ou à cause, reste attacher à sa commune dont il suit l’évolution tout au long de ce XX° siècle, notant ses transformations, l’accroissement de la population, la mise en place d’équipements …mais, tiens, il n’y a pas de centre culturel … le centre culturel est prévu, au fond d’un tiroir, il attend le moment propice.

Henri Keraudy en 2005
assistant à une conférence de PHASE à l’Hippocampe

Peut être qu’à défaut de paternité génétique … une paternité culturelle ? C’est ainsi qu’Henri prend contact avec la municipalité par l’entremise de son notaire … un centre culturel ouvert aux commues voisines, permettant l’accès à tous … qui portera le nom du généreux participant à la dépense globale (bien au-delà de 610 k€) et qui recevra sur son fronton la devise souhaitée par celui-ci : « Tout passera, sauf le bien que tu as fait ».
Dire que l’installation du centre Keraudy ait été de tout repos serait oublié son histoire qui, un jour, sera peut-être écrite en son entier, notre objectif aujourd’hui n’étant pas de prendre position dans la polémique mais tout simplement de noter le geste tout à fait inhabituel d’un citoyen lambda.
Il me semble toutefois honnête de rapporter des propos entendus à la sortie de spectacles proposés par l’espace Keraudy exprimant au moins une certaine satisfaction localisée : «  Je viens à Keraudy mais je ne vais pas au Quartz (ndrl : de Brest) ». La culture à portée de main en quelque sorte, c’est ce que vous vouliez, monsieur Keraudy ?
Henri Keraudy est, bien sûr, citoyen d’honneur de sa commune natale.

L’espace Keraudy à Plougonvelin

- Espace Keraudy

- CARADEC Louis, Fortunes de maire, Cheminements Editions, 2006